"Le Parfum" de Süskind

Critique de livre : Le parfum de Patrick Süskind - Benjamin Seclier's ...
Couverture de Le Parfum (c)Fayard
Bonjour !

Nous sommes Alexia Roche et Clémentine Bienenfeld, élèves de Première S.


Nous avons lu Le Parfum de Süskind. Ce roman retrace le parcourt d'un jeune parfumeur génie qui ne vit que par son nez.


Le jeune homme, Grenouille, est talentueux mais déséquilibré. Son nez est particulièrement fin, puisqu’il peut repérer des objets dans le noir, et des hommes à des kilomètres à la ronde.
Durant l’apprentissage de son métier, il cherche à extraire toutes les odeurs qu’il décompose naturellement avec son nez.
Il s'aperçoit que lui même n’a pas d’odeur, et que personne ne fait attention à lui. Il en arrive à la conclusion que “qui maîtrisait les odeurs, maîtrisait le cœur des hommes”. Dès cette découverte, il utilise ses parfums pour avoir une certaine identité dans la société : être invisible ou être vu comme quelqu'un de respectable, par exemple.
Alors commence sa quête du parfum parfait, celui qui lui permettrait de dominer tous les hommes. Pour atteindre son but, il n’hésite pas à tuer des jeunes filles, afin de récolter leur odeur par enfleurage.
Et il réussit.
Il crée un parfum qui inspire de l'amour et la jouissance à tout ceux qui le respire. Aux yeux des hommes, Grenouille devient un objet à aduler, si bien qu'il va être littéralement dévoré d'amour par ses idoles.


Cela est-il possible? Un même parfum peut-il faire ressentir la même émotion pour chaque individu?

Voici la question que nous nous sommes posées lors de notre TPE (Travaux Personnels Encadrés), épreuve anticipée pour le baccalauréat.
Notre problématique s'intitule "Le mécanisme de l'odorat impose-t-il une interprétation unique aux odeurs?".


Pour y répondre, nous avons tout d’abord fait des recherches bibliographiques afin de comprendre le fonctionnement de l'odorat. La théorie, à ce point, nous indiquait que oui, une odeur à une même signification pour tous puisqu'elle est perçue de la même manière.
Pour tester cette hypothèse, nous avons monté un sondage vidéo ; faire sentir des parfums que nous avons créé, et collecter les impressions de "nos cobayes". Le résultat est alors bien loin de la théorie ! Chacun avait sa propre interprétation de l'odeur et son propre jugement.
L'odorat est donc un sens plus personnel. Nous nous sommes alors penchées sur le traitement de l’information olfactive par le cerveau.
Enfin, nous avons interviewées Mme Férino qui travaille chez l'Oréal dans le Market and Consumering Intelligence afin de comprendre l'utilisation des odeurs dans le commerce.


Ce support en forme de blog nous a semblé approprié puisqu'il suit, avec quelques vidéos intégrées, le cheminement de notre raisonnement.

Un fonctionnement commun

Nous allons premièrement nous intéresser au mécanisme du sens de l'odorat, pour savoir s'il est commun ou non à tous les êtres humains.

Du nez au cerveau...

Schéma du nez (c)Flammarion
La sensation d'odeur, c'est l'interprétation du cerveau des molécules odorantes. Ces dernières stimulent  des neurones sensoriels (ou récepteurs olfactifs) et induisent donc un signal électrique.


Les molécules qui stimulent les récepteurs olfactifs, sont sous la forme gazeuse. Lorsque l'on respire l'air ambiant, on inhale aussi ces molécules.


Ces dernières passent par la cavité nasale. Les récepteurs qui réagissent à ces molécules se trouvent exclusivement sur la zone de l'odorat : l'épithélium olfactif. Cette muqueuse est composée de plusieurs millions de récepteurs olfactifs. Les cils, au bout des neurones sensoriels, captent les molécules.




Animation illustrant le fonctionnement de l'odorat. Publié avec l'aimable autorisation de C. Perrin.


Schéma en coupe du cerveau (c)www.spasmophilie.tv
Une fois stimulé par une molécule, le neurone sensoriel émet un signal électrique vers le cerveau. Tous les axones des récepteurs olfactifs convergent en un nerf olfactif, qui passe par le bulbe olfactif, dans le cortex préfrontal. Les informations y sont traitées, avant d'arriver au cerveau. Puis, elles passent par le système limbique qui est composé principalement de l’amygdale et de l'hippocampe.




Ce mécanisme de perception n'est pas spécifique à un individu, c'est le même pour tout le monde !

Caractéristiques des molécules odorantes

L'odorat est avant tout un sens chimique; une odeur, c'est une molécule d'un gaz qui rencontre un récepteur. Ce dernier, stimulé, envoie un signal électrique au cerveau qui traitera l'information.


Premièrement, cette molécule doit être assez volatile pour arriver jusqu'au nez. Toutes les molécules odorantes sont donc de petite taille.

Ensuite, nous savons que les récepteurs olfactifs sont immergés dans le mucus nasal, une substance aqueuse. Les molécules hydrophiles atteignent les récepteurs en se solubilisant dans le mucus. Si elles sont hydrophobes, elles seront fixées à des protéines de transfert qui les déplaceront à travers le mucus. Ainsi, certaines molécules n’ont pas d’odeur tout simplement parce qu’elles n’atteignent pas les récepteurs!


L’odorat fonctionne sur le principe analogique de la clef/serrure.
Les cellules olfactives déclenchent un signal électrique si une forme particulière de molécule s'y est parfaitement imbriquée. La structure de la molécule est donc extrêmement importante.


Schéma de l'analogie clef/serrure. (c) www.salveco.fr

L'isomérie, c'est lorsque deux molécules de même formule brute, sont morphologiquement différentes dans l'espace. Leurs atomes ne sont pas disposés de la même manière.

Ces écarts sont importants dans l'olfaction puisque des récepteurs différents sont stimulés. La structure des molécules a donc un rôle déterminant dans l'identification de leur odeur.
Nous allons parler ici de l'isomérie Z/E et de l'énantiomérie.

L’isomérie Z/E, c’est le fait que deux molécules isomères différent au niveau d’une double liaison entre deux carbones. Cette double liaison bloque la rotation des groupements qui lui sont liés.

Exemple de l'isomérie E/Z. (c) www.chimix.com


On voit ici deux isomères. Leur seule différence est que leurs groupes importants (groupements autres que l'hydrogène) sont; soit opposés par rapport à la double liaison ((E), de l'allemand entgegen; opposé) soit du même côté ((Z), de l'allemand zusammen; ensemble).


L' énantiomérie des molécules a un rôle sur la différenciation des odeurs. Elle repose sur le principe de chiralité.


Exemple de chiralité. (c)Wikipédia
Le mot chiralité vient du grec cheir qui signifie "main". Cela nous donne une bonne idée du concept : nos deux mains, identiques d'apparence, sont symétriques par rapport à un axe, mais ne sont pas superposables sur un même plan.


Deux molécules aux structures proches qui ont une odeur similaire. (c) www.cnrs.fr
Deux molécules différentes n'ont pas une odeur identique, mais dans de nombreux cas, les molécules semblables ont des odeurs proches (voir ci-dessus). A contrario, de petites modifications peuvent engendrer des odeurs tout à fait différentes, comme ci-dessous.

Deux molécules aux structures proches, mais à l'odeur significativement différente. (c) www.cnrs.fr


Deux molécules qui ne sont pas strictement identiques (dont les isomères) font réagir différents neurorécepteurs puisque leur structure dans l'espace est autre.

Pour conclure

Une molécule odorante fait déclencher un signal électrique par le neurone sensoriel qu'elle épouse parfaitement. Puis, l'information est transmise au cerveau.

Le cheminement de la perception d'une odeur est le même pour tous les êtres humains. Les réactions olfactives devraient donc être universelles?
La suite : "Réalisation d'un parfum"

Pourquoi réaliser un parfum?

Nous venons de voir que les messages nerveux suivent le même chemin dans le cerveau de chacun. De ce fait, il est envisageable que le sens de l'odorat soit commun à tous jusque dans l'interprétation des odeurs.

Nous décidons de réaliser trois parfums de compositions différentes et d'effectuer un sondage pour recueillir les réactions et les préférences de certains élèves de notre classe.

Les différentes notes du parfum

​Il y a un langage commun pour décrire les parfums. Les créations olfactives sont décomposées en différentes notes.

Pour illustrer cela, voici un extrait de Le Parfum de Süskind que nous avons lu.

Le parfumeur Baldini, le premier maitre de Grenouille, parle des différentes notes qui constituent un parfum.

« Mais est ce qu’on sait quelle odeur il aura dans une heure, quand ces substances les plus volatiles se seront évaporées et que son corps apparaîtra ? Ou quelle odeur il aura ce soir lorsqu'on ne percevra plus que de ses composants lourds et obscurs qui restent pour le moment dans la pénombre olfactive, dissimulés qu'ils sont par d'agréables rideaux de fleurs ? »



En premier lieu donc, émane du parfum les notes de tête, cet « agréable rideau de fleurs» comme les nomme Baldini, composé des substances les plus volatiles ; il tient jusqu’à 2h.

Puis, le « corps » selon Baldini, ce qu’on appelle les notes de cœur : c’est l’odeur qui constitue le cœur du parfum, et qui tient le plus longtemps, 2 et 4h après que se soient évanouies les notes de tête

Ensuite, « les composants lourds et obscurs», appelées notes de fond. Elles sont la dernière trace évanescente du parfum, et peuvent émaner encore jusqu’à 24 h après son application.



Ces différentes couches caractérisent un parfum, et lui apportent sa complexité et son caractère.

Schéma en pyramide des différentes notes des parfums (c) www.familiprix.com